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Ressources humaines - Comptabilité et finances | publié par Loyco | 20.11.2024

Du nouveau côté télétravail des frontaliers

Quelques changements sont récemment intervenus en matière de télétravail des frontaliers, et plus spécifiquement pour ceux domiciliés en France. Aujourd’hui, nous vous proposons de prendre du recul sur cette question complexe et, face aux derniers changements, notre experte, Sandra Russo, vous apporte quelques précisons utiles.

En préambule, précisons que le présent article traite des cas principalement rencontrés par les sociétés genevoises et vaudoises qui emploient du personnel frontalier français et autorisent le télétravail.

Pour les cas particuliers, nous vous invitons à prendre contact avec des spécialistes en matière de fiscalité et/ou de charges sociales. Le sujet est complexe et nécessite une analyse approfondie. Il est d’ailleurs essentiel de distinguer le sujet de la fiscalité de celui des charges sociales et de comprendre cependant que l’un peut avoir des conséquences sur l’autre.

Pour rappel, si vous avez un employé frontalier domicilié en France, il vous est possible d’autoriser le télétravail mais, au maximum à 40% de son temps de travail y compris le temps passé en mission à l’étranger. De plus, ces missions ne doivent pas dépasser 10 jours par année.

Dans la mesure où la limite de 40% de télétravail – y compris les 10 jours de missions – est respectée, votre employé·e pourra demeurer imposable selon les accords initiaux du canton de l’employeur (convention de double imposition ou accord de 1983), à savoir:

En Suisse pour les cantons appliquant la convention de double imposition (CDI) entre la Suisse et la France (GE, TI, ZH, LU, UR, SZ, OW, NW, GL, ZG, FR, SH, AR, AI, SG, GR, AG et TG). Un accord amiable a été signé qui autorise le télétravail à raison d’un maximum de 40%, y inclus 10 jours de missions.

En France pour les cantons ayant conclu l’accord de 1983,sur présentation de l’attestation de résidence fiscale (VD, BE, BS, BL, SO, VS, NE et JU). Un accord amiable a également été signé, qui autorise le télétravail à raison d’un maximum de 40%, y inclus 10 jours de missions.

Nous insistons sur le fait que cet accord n’est applicable qu’à la France. Ainsi, pour les autres pays, il y a lieu de regarder au cas par cas et se référer aux conventions de double imposition. En effet, certains pays sont susceptibles de taxer le télétravail dès le premier jour travaillé dans le pays de résidence.

Nous insistons une nouvelle fois sur les risques encourus:

Cantons appliquant la CDI dont Genève: imposition en France des jours télétravaillés si dépassement du seuil de 40% et imposition des missions en France dès le 11ème jour de mission. L’employeur suisse devra adapter le nombre de jours soumis à impôt source en Suisse. La responsabilité de prélever l’impôt source français devrait revenir à l’employeur mais – à ce jour – ce n’est pas envisageable.

Cantons appliquant l’accord de 1983 dont le canton de Vaud: mise en échec de l’accord et fin du statut de frontalier (retour à l’imposition selon la CDI). Cela implique que l’employeur doit prendre l’impôt source en Suisse sur les jours travaillés en Suisse.

 

Berne a annoncé récemment l’entrée en vigueur dès le 1er janvier 2025 de la loi fédérale sur l’imposition du télétravail dans le contexte international.

La loi pose les bases du droit de la Suisse à imposer le revenu du travailleur frontalier, mais aussi les modalités d’exécution. Nous relevons ci-dessous les modifications qui auront des conséquences importantes:

  • Art. 129, al. 1, let.e de la loi sur l’impôt fédéral direct (LIFD), respectivement art. 45. Al. 1, phrase introductive et let. f. et 2 de la loi sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID): «Doivent produire une attestation à l’autorité de taxation pour chaque période fiscale les employeurs, sur les données salariales relatives aux travailleurs visés à l’art. 91 al. 1 et 2 de la LIFD) et à l’art. 35, al. 1 let. a et abis de LHID, pour lesquels un accord fiscal international prévoit l’échange automatique de renseignements sur ces données».
  • Art. 127, al. 3 de la LIFD, respectivement art. 43, al. 1bis de la LHID: « En cas de départ en cours d’année d’un travailleur visé à l’art. 91, al. 1 et 2, LIFD, respectivement art. 35, al. 1, let. a et abis de la LHID, l’ancien employeur doit fournir à l’employé qui en fait la demande une attestation destinée au nouvel employeur certifiant des jours télétravaillés, des missions effectuées en France et des missions effectuées à l’étranger mais aussi des nuitées en Suisse (pour les employeurs vaudois) ».

L’ordonnance du Département fédéral des finances (DFF) sur l’imposition à la source dans le cadre de l’impôt fédéral direct est donc modifiée pour introduire l’art. 5A qui pose les obligations d’attester de l’employeur.

Il est donc aujourd’hui nécessaire de mettre en place un système de suivi des employés frontaliers.

 

Le sujet mérite d’être repris en raison de sa complexité. Un sujet d’autant plus complexe qu’il pourrait être impacté par les changements fiscaux dans la mesure où l’échange automatique de renseignements au niveau fiscal pourrait mettre en lumière des irrégularités au niveau des charges sociales.

Pour rappel, le principe applicable était déterminé par le règlement européen n° 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

Le 1er juillet 2023 est entré en vigueur un nouvel accord multilatéral auquel certains pays ont adhéré, dont – entre autres – la Suisse et la France. Cet accord sur le télétravail permet d’augmenter le taux de télétravail de 25% à 49.9% (du temps de travail) sans que cela modifie les règles d’affiliation auprès du pays de l’employeur.

Pour les pays non signataires de l’accord multilatéral et/ou les employé·e·s qui n’ont pas la nationalité d’un pays de l’ALCP (Accord sur la libre circulation des personnes) le seuil de 25% reste applicable.

Dans la mesure où votre employé·e télétravaillera au-delà de 25% et moins de 49.9% de son temps de travail, il est impératif de déposer un formulaire A1 télétravail (plateforme ALPS) afin que le pays de résidence soit informé et valide le maintien de la compétence au pays de l’employeur. À défaut de formulaire, le seuil de 25% maximum restera applicable.

Nous rappelons également qu’ici nous ne parlons que du télétravail du frontalier. Si toutefois celui·celle-ci est amené·e à voyager également pour des missions «régulières» (pluriactivité) et/ou temporaires (détachement) ou est malade, il y a lieu de vérifier la législation et le seuil applicables.

Le dépassement du seuil de 49.9% pour les pays signataires de l’accord, de 25% pour les pays non-signataires, en l’absence de formulaire A1 télétravail (pour pays signataires), pour une personne ne relevant pas d’une nationalité de l’ALCP, ou encore en cas de pluriactivité, et autres exceptions, implique que la compétence en matière de charges sociales revient au pays de résidence de l’employé·e.

Les conséquences en termes de charges sociales peuvent être extrêmement couteuses pour l’employeur (affiliation au régime de sécurité sociale français et cotisations en France pour l’entier de la rémunération) et pour l’employé·e (perte des droits en Suisse).

 

  1. Le canton de l’employeur est déterminant pour définir les dispositions applicables pour l’aspect fiscal.
  2. La résidence de l’employé·e sera également déterminante dans le traitement applicable, aussi bien en matière de fiscalité que pour le volet des assurances sociales.
  3. La nationalité de l’employé·e est primordiale pour l’application des règles de sécurité sociale puisque, en principe, elles ne sont pas applicables aux personnes qui n’ont pas la nationalité suisse, de l’Union européenne ou des Etats de l’AELE.
  4. L’employé·e a-t-il·elle un ou plusieurs employeurs? Et quels à endroits? Si votre employé·e travaille pour vous à temps partiel, il est essentiel de vérifier s’il·elle a une autre occupation et dans quel pays car cela peut impacter le traitement applicable à sa situation.
  5. Le suivi quotidien des jours de télétravail et/ou de missions est essentiel pour éviter de mauvaises surprises en cas de départ de l’employé·e dans l’année.

 

En conclusion, il est recommandé de veiller à ce que les seuils autorisés ne soient pas dépassés et que les formulaires A1 télétravail soient déposés dans les délais impartis (3 mois). Le suivi des divers formulaires et la vérification de leur adéquation avec la situation de l’employé·e sont essentiels. Les conséquences financières, administratives et les éventuelles sanctions sont lourdes.

Il y a également lieu de mettre en place dès le 1er janvier 2025 un système interne permettant de tracker les jours de télétravail, de missions en France, de missions à l’étranger et de nuitées en Suisse. Ce suivi est nécessaire pour l’échange automatique de renseignements, mais également pour permettre à l’employeur de faire le suivi administratif de l’employé·e (A1 télétravail, A1 pluriactivité, A1 détachement, etc.).

 

Votre contact chez Loyco est à votre disposition pour d’éventuels renseignements complémentaires.

Sandra Russo - Tax solutions LeaderSandra Russo
Tax Solutions Leader
srusso@loyco.ch