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Démission pour raisons médicales
Quelles conséquences sur l’assurance-chômage, la prévoyance et les indemnités journalières en cas de démission pour raisons médicales? Notre partenaire CJE, Avocats, Conseillers d’Entreprises, vous éclaire sur les précautions à prendre avant de faire ce choix.
Au sommaire
- La résiliation : un acte formateur
- Protection contre le licenciement : une protection à «sens unique»
- Le·la collaborateur·rice en incapacité de travail peut-t-il·elle démissionner?
- Comment démissionner?
- Le·la collaborateur·rice peut-il·elle démissionner avec effet immédiat?
- Assurance Invalidité
- Indemnités journalières maladie
- Assurance accidents
- Assurance chômage
- Prévoyance professionnelle
Le droit suisse du travail est libéral. L’employeur et le·la collaborateur·rice peuvent mettre fin au contrat de travail en respectant certains délais, sans devoir invoquer de raisons particulières. Si la résiliation repose sur des raisons de santé, elle soulève toute une série de questions.
La résiliation: un acte formateur
En préambule, il convient de préciser que la résiliation, qu’elle soit signifiée par l’employeur ou par le·la collaborateur·rice, est l’exercice d’un droit formateur qui revêt un caractère univoque, inconditionnel et irrévocable : dès sa réception par le destinataire, elle ne peut pas être révoquée unilatéralement.
Protection contre le licenciement : une protection à «sens unique»
Un licenciement est admissible quand la productivité du·de la collaborateur·rice a diminué en raison d’une maladie ou d’un accident, sans qu’il y ait faute de sa part. Un licenciement n’est possible après la période d’essai en cas de maladie ou accident qu’après les délais de protection suivants :
- 30 jours au cours de la première année d’activité
- 90 jours de la deuxième à la cinquième année d’activité
- 180 jours dès la sixième année d’activité
Les délais de protection contre le licenciement en cas de maladie et d’accident ne garantissent cependant pas que, pendant cette période, le·la collaborateur·rice ait droit à son salaire ou à une indemnité journalière d’assurance.
Les congés signifiés par l’employeur pendant un délai de protection sont nuls et doivent être à nouveau donnés lorsque le délai de protection s’est écoulé.
Certaines CCT accordent une protection plus large, par exemple en interdisant un licenciement tant que le·la collaborateur·rice perçoit des indemnités journalières de l’assurance-maladie accident.
Cette protection n’interdit pas au·à la collaborateur·rice en incapacité de travailler de résilier le contrat de travail, même pendant le délai de protection.
Un·e collaborateur·rice peut ainsi valablement démissionner pendant un arrêt de travail prescrit pour raison de maladie, de maladie professionnelle ou d’accident. Si l’arrêt de travail prend fin après la durée du délai de congé, le délai de congé n’est pas prolongé et se termine à la date initialement prévue.
Le·la collaborateur·rice en incapacité de travail peut-t-il·elle démissionner?
Lorsque des problèmes de santé rendent l’exercice de l’activité professionnelle plus difficile, le·la collaborateur·rice peut avoir tendance à vouloir résilier le contrat de travail.
Prudence !
Bien que chaque cas doive être jugé pour lui-même et que les généralisations ne soient possibles qu’avec une extrême prudence, il est, en règle générale, déconseillé au·à la collaborateur·rice de résilier le contrat de travail, à tout le moins avant d’avoir procédé à une analyse complète et d’examiner les conséquences suivantes :
- Assurance chômage : il est hautement vraisemblable que l’assurance-chômage considère que le chômage du·de la collaborateur·rice lui est imputable, et il·elle est alors sanctionné·e par une suspension du versement des indemnités.
- Assurance perte de gain : dans certains cas, le·la collaborateur·rice doit passer de l’assurance collective à l’assurance individuelle, ce qui implique un supplément de cotisations qui peut s’avérer important.
- Prévoyance professionnelle : la résiliation des rapports de travail par le·la collaborateur·rice peut conduire à une lacune d’assurance portant sur la couverture des risques décès et invalidité.
- Invalidité : si une invalidité se produit ultérieurement, il peut être difficile d’établir si la cessation des rapports de travail a eu lieu pour des raisons impératives de santé ou volontairement, ce qui peut avoir des effets néfastes sur la détermination du taux d’invalidité.
En cas de résiliation du contrat de travail par le·la collaborateur·rice, l’ensemble des droits et obligations de l’employeur et du collaborateur subsistent pendant le délai de congé.
Nous reprenons ci-dessous les points auxquels le·la collaborateur·rice doit être particulièrement vigilant·e.
Comment démissionner?
Pour démissionner pour des raisons de santé, le·la collaborateur·rice doit respecter la procédure classique : adresser une lettre de démission à son employeur et effectuer son préavis.
Le·la collaborateur·rice peut-il·elle démissionner avec effet immédiat?
Le·la collaborateur·rice qui démissionne sans avoir trouvé un autre emploi est en principe sanctionné·e lorsqu’il·elle doit émarger au chômage. Il existe de très rares exceptions, notamment la démission pour raisons médicales (art. 16 al. 2 let. c LACI). Un travail n’est pas convenable pour raison de santé lorsqu’il ne convient pas à l’âge, la situation personnelle ou l’état de santé de l’assuré·e. Si un travail n’est plus convenable pour des raisons de santé, il peut en principe être résilié sans risque de sanction, à deux conditions cumulatives :
- Le caractère non convenable de l’emploi doit être attesté par un certificat médical probant. Le niveau d’exigence est très élevé. Le certificat établi a posteriori n’est pas accepté. Un médecin ne peut attester que d’une atteinte à la santé et du lien avec le travail. En effet, il ne peut pas se prononcer, par exemple, sur un mobbing, qui est une notion juridique et non médicale, sur laquelle seul un tribunal peut statuer.
- Le délai de résiliation doit être respecté tant que l’employeur doit verser le salaire ou qu’une assurance doit verser des indemnités journalières. Si le·la collaborateur·rice renonce au délai de congé alors qu’il·elle n’est pas tenu·e de présenter ses services en raison de son incapacité, il cause un dommage à l’assurance-chômage. Il encourt donc une suspension, dont la durée dépend de celle durant laquelle il a renoncé aux prestations de l’employeur ou de l’assurance. Ce n’est que si l’employeur ou l’assurance ne sont plus tenus de verser des prestations (ex. fin de droit aux indemnités journalières) qu’il n’existe pas de dommage pour la caisse.
Assurance Invalidité
Dans l’hypothèse où le·la collaborateur·rice estime qu’il·elle a une incapacité de travail dans sa profession, il·elle doit s’annoncer à l’AI, qui peut intervenir de différentes manières :
- aider la personne à chercher un nouvel emploi
- examiner la possibilité d’un reclassement
- envisager l’octroi d’une rente.
- Indemnités journalières maladie
Indemnités journalières maladie
Il faut envisager les hypothèses suivantes :
Le·la collaborateur·rice ne trouve pas un nouvel emploi:
Le·la collaborateur·rice peut présenter une demande de transfert de l’assurance collective de son employeur vers l’assurance individuelle qui lui soumet une offre ; lorsqu’il·elle connaît le montant des primes, il·elle décide s’il·elle conserve l’assurance d’indemnités journalières à titre d’assuré·e individuel·le ou s’il·elle y renonce.
Le·la collaborateur·rice trouve un nouvel emploi auprès d’un employeur qui n’a pas conclu une assurance collective d’indemnités journalières maladie.
Tout comme ci-dessus, le·la collaborateur·rice peut présenter une demande de transfert de l’assurance collective de son employeur vers une assurance individuelle.
Le·la collaborateur·rice trouve un nouvel emploi auprès d’un employeur qui a conclu une assurance collective d’indemnités journalières maladie qui:
- dispose d’une protection d’assurance suffisante : dans cette hypothèse, il·elle n’a aucune démarche à entreprendre.
- ne dispose pas d’une protection d’assurance suffisante : dans cette hypothèse, il·elle peut présenter une demande de transfert de l’assurance collective de son ancien employeur vers une assurance individuelle.
Assurance accidents
La protection d’assurance contre les conséquences des accidents prend fin au plus tard 31 jours après la fin des rapports de travail. Il est possible de prolonger par convention cette protection auprès de l’assureur au maximum pour six mois ; la prime doit être versée avant l’expiration du délai mentionné ci-dessus.
Lorsque le·la collaborateur·rice a eu un accident pendant la durée des rapports de travail, toutes les conséquences de cet accident restent de la compétence de l’assureur accident de l’employeur, sans limite de temps. La fin des rapports de travail n’exerce aucune influence sur l’obligation de fournir des prestations pour les traitements médicaux, les indemnités journalières, les rentes, les allocations pour impotence et les indemnités pour atteinte à l’intégrité. Le seul changement réside dans le fait que les indemnités journalières ne sont plus versées à l’employeur mais directement à la personne accidentée.
Assurance chômage
Lorsque l’assuré·e n’est plus lié·e par un rapport de travail, il·elle peut s’annoncer à l’assurance chômage pour un placement et pour bénéficier d’indemnités journalières, même en cas d’atteinte à la santé, à condition toutefois que les médecins confirment une aptitude au placement d’au moins 20 %. L’indemnité journalière de l’assurance-chômage est diminuée en proportion.
Chômage fautif : l’art. 44 al. 1 lit b OACI dresse une liste des cas de chômage fautif. Est réputé·e sans travail par sa propre faute l’assuré·e qui a résilié lui-même·elle-même le contrat de travail, sans avoir été préalablement assuré·e d’obtenir un autre emploi, sauf s’il ne pouvait être exigé de lui·elle qu’il·elle conservât son ancien emploi.
Une incapacité de travail attestée médicalement ou une inadéquation objective du profil du·de la travailleur·euse avec le poste occupé n’entraîne pas de sanctions en cas de résiliation du contrat pour ces motifs. Le Tribunal fédéral (ATF 8C_99/2021) a toutefois jugé qu’une collaboratrice en arrêt de travail pour des raisons de santé liées à ses conditions de travail aurait dû respecter le délai de résiliation lorsqu’elle a mis fin à son contrat de travail en raison du principe général de l’obligation de diminuer le dommage, qui prévaut en droit des assurances sociales.
Pour éviter une sanction, il faut que la résiliation intervienne en dernier ressort, après que l’assuré·ee· a pris toutes les mesures pour que l’employeur puisse satisfaire à ses obligations. Des relations de travail tendues, une mauvaise atmosphère ne suffit pas à admettre que la poursuite des rapports de travail n’est pas exigible. Si l’assuré·e est au bénéfice d’un motif de résiliation immédiate (art. 337 CO) ou d’un motif de santé, on ne peut exiger qu’il·elle continue des rapports de travail.
La loi fédérale sur l’assurance-chômage impose à l’assuré·e d’entreprendre tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui·elle pour éviter ou pour abréger le chômage (art. 17 LACI).
Le caractère convenable d’un emploi est examiné de façon stricte : on peut exiger d’un·e travailleur·euse qu’il·elle conserve à court terme ou temporairement un emploi non convenable, mais pas à long terme.
Licenciement d’un commun accord : un licenciement d’un commun accord est considéré par le chômage comme une démission qui engendre une pénalité.
Chômage et incapacité de travail pour maladie : en cas d’incapacité de travail pour raison de maladie, le chômeur ou la chômeuse est indemnisé·e durant 30 jours civils suivis ou au maximum 44 indemnités journalière durant les deux ans qui suivent l’inscription au chômage (délai cadre).
Chômage et incapacité de travail en raison d’un accident : en cas d’incapacité de travail en raison d’un accident, le chômeur ou la chômeuse est couvert·e durant son incapacité par la SUVA.
Annonce simultanée à l’assurance chômage et à l’AI : en raison de l’obligation pour l’assurance chômage d’avancer les prestations, le·la collaborateur·rice reçoit la totalité de l’indemnité journalière, même si les médecins attestent d’une aptitude partielle au placement. Lorsque l’AI a statué au sujet de l’octroi de la rente, l’indemnité journalière de l’assurance chômage est réduite pour l’avenir selon le taux de la capacité résiduelle de gain constatée par l’AI.
Où le·la collaborateur·rice peut-il·elle se faire conseiller en cas de chômage ou de menace de chômage ? L’office régional de placement (ORP) prodigue des conseils avant et pendant le chômage.
Prévoyance professionnelle
Lorsqu’un·e assuré·e est en incapacité de travail au moment où les rapports de travail prennent fin et que l’incapacité aboutit ultérieurement à une invalidité, la caisse de pension de l’employeur doit octroyer des prestations d’invalidité.
Dans de telles situations, les caisses de pension attendent en général que l’AI se prononce avant de décider au sujet de leurs prestations d’invalidité. Pendant ce temps, soit elles laissent le dossier en suspens, soit elles transfèrent l’avoir de vieillesse sur un compte de libre passage. En cas d’octroi ultérieur d’une rente d’invalidité, elles demandent le remboursement de la totalité ou d’une partie de l’avoir de vieillesse selon qu’il y a octroi d’une rente d’invalidité entière ou partielle.
Assurance volontaire : la personne qui n’a pas de nouvel emploi et qui ne s’annonce pas à l’assurance chômage peut continuer à s’assurer volontairement auprès de « l’institution supplétive ». Cela s’avère toutefois cher, car il faut verser la totalité des primes, employeur et collaborateur.
Personne âgée de 58 ans ou plus : les personnes âgées de 58 ans ou plus peuvent rester assurées auprès de leur caisse de pension après résiliation des rapports de travail par l’employeur. La couverture contre les risques d’invalidité et de décès est maintenue et les prestations de vieillesse peuvent être perçues sous la forme de rente, même si, jusqu’à l’octroi de la rente, la personne ne trouve aucun nouvel employeur. Les personnes qui optent pour ce droit doivent payer l’ensemble des cotisations (employeur et collaborateur) risque (décès et invalidité) et les frais d’administration ; le versement des cotisations d’épargne, facultatif, oblige également la personne à payer les parts de l’employeur et du·de la collaborateur·rice.
Conclusion
- En cas de démission pour raisons médicales, le risque est élevé que le chômage soit considéré comme fautif et que le chômeur soit sanctionné par une suspension du droit aux indemnités.
- Le·la collaborateur·rice qui résilie son contrat de travail sans s’être assuré·e d’un nouvel emploi court le risque d’être pénalisé·e dans son droit au chômage par une suspension du droit aux indemnités pouvant aller jusqu’à 60 jours ouvrables si la faute est qualifiée de grave.
- Il faut prendre le temps de bien s’informer.
- Il est indispensable de s’entourer des bonnes ressources afin d’éviter une déconvenue.
Cet article a été rédigé par notre partenaire CJE, Avocats, Conseillers d’Entreprises.