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Juridique - Partenariats | publié par CJE, Avocats, Conseillers d'Entreprises | 25.11.2024

Responsabilité des collaborateurs·rices en cas de dommage à l’employeur

Dans quelle mesure un·e collaborateur·rice est-il·elle tenu·e responsable d’un dommage causé à son employeur? Entre obligations contractuelles, risques professionnels et devoirs de diligence, la loi définit un cadre précis pour évaluer cette responsabilité. Découvrez les règles applicables et les précautions à prendre pour prévenir les litiges dans article rédigé par notre partenaire CJE, Avocats, Conseillers d’Entreprises.

Art. 321e CO – Responsabilité du travailleur ou de la travailleuse: « le travailleur répond du dommage qu’il cause à l’employeur intentionnellement ou par négligence ».

La mesure de la diligence incombant au travailleur ou à la travailleuse se détermine par le contrat, compte tenu du risque professionnel, de l’instruction ou des connaissances techniques nécessaires pour accomplir le travail promis, ainsi que des aptitudes et qualités du·de la travailleur·se que l’employeur connaissait ou aurait dû connaître.

 

Le contrat de travail fait naître des obligations réciproques:

  • le·la collaborateur·rice doit accomplir ses tâches de manière diligente (art. 321a CO, 6 al. 3 LTr, 11 OPA);
  • l’employeur doit organiser le travail de manière à permettre aux collaborateur·rice·s de travailler dans des conditions adéquates (art. 328 CO, 6 LTr, 82 LAA).

Le·la collaborateur·rice répond des dommages qu’il·elle cause à l’employeur intentionnellement, ou par négligence (art. 321e al. 1 CO). La responsabilité du collaborateur ou de la collaboratrice n’est engagée que si les conditions suivantes sont réunies, à savoir: une violation du contrat, un dommage, une faute, un lien de causalité adéquate entre la violation du contrat et le dommage.

Le lien de causalité est jugé adéquat lorsque:

  • le comportement illicite du·de la collaborateur·rice est propre – dans le cours ordinaire des choses et selon l’expérience générale de la vie – à produire ou à favoriser l’avènement du résultat considéré entre l’acte et ledit dommage;
  • on peut imputer une faute intentionnelle ou une négligence au·à la collaborateur·rice (ATF 115 IV 241, c. 3).

Il ne peut pas être dérogé au détriment du·de la collaborateur·rice (art. 362 CO) aux conditions de l’article 321e CO mentionnées ci-dessus; pour que la responsabilité de l’employé·e soit engagée, toutes les conditions énumérées ci-dessus doivent donc être réalisées.

Une réparation complète du dommage par le·la collaborateur·rice est subordonnée à une négligence grave (tout agissement qui, par une imprudence coupable, néglige les conséquences prévisibles de son comportement ou n’en tient pas compte) ou à l’intention.

La mesure de la diligence incombant au collaborateur ou à la collaboratrice se détermine compte tenu:

  • du risque professionnel (il s’agit du risque inhérent aux tâches confiées à l’employé·e);
  • de l’instruction et/ou des connaissances techniques nécessaires pour accomplir le travail convenu;
  • des aptitudes et qualités du·de la collaborateur·rice que l’employeur connaissait ou aurait dû connaître (art. 321e al. 2 CO).

L’employeur ayant l’obligation, pour sa part, d’organiser le travail pour qu’il puisse s’accomplir dans des conditions acceptables. La responsabilité du collaborateur peut donc être réduite, voire totalement supprimée s’il prouve une faute concomitante de l’employeur et/ou une absence de faute de sa part. Le Tribunal fédéral (ATF 4A_599/2013) a jugé que la responsabilité du·de la collaborateur·rice n’est pas mise en cause lorsque l’employeur ordonne ou tolère le comportement qui a causé le dommage.

 

Pour que le·la collaborateur·rice puisse être tenu·e responsable d’un dommage, il·elle doit avoir commis une faute, soit un manquement aux devoirs imposés par le contrat: il·elle n’a pas agi conformément à ce que l’on était en droit d’attendre. La faute peut être:

  • intentionnelle: le·la collaborateur·rice viole volontairement une obligation;
  • par négligence: le·la collaborateur·rice n’a pas fait preuve de la diligence requise.

Pour apprécier si une faute peut être reprochée au collaborateur ou à la collaboratrice, il faut se référer à l’art. 321e al. 2 CO (voir ci-dessus) qui détermine la mesure de la diligence attendue. On admet (ATF 123 III 257, c. 5) que lorsque le collaborateur ou la collaboratrice accepte, sans nécessairement le vouloir, que son comportement puisse causer un dommage à l’employeur, cela suffit à réaliser un manquement intentionnel (dol éventuel).

La jurisprudence et la doctrine distinguent entre la faute grave, moyenne et légère. Cette classification a des conséquences importantes en matière de réparation du dommage par le·la collaborateur·rice (art. 43 al. 1 CO).

Faute grave
Il y a faute grave lorsque le comportement est objectivement ou subjectivement inexcusable. La faute intentionnelle constitue en principe une faute grave. Une négligence peut cependant être également être constitutive d’une faute grave, lorsque l’auteur·e a violé les règles les plus élémentaires de prudence, en négligeant des précautions qui se seraient imposées à toute personne raisonnable.

Faute légère
La faute légère est caractérisée par un comportement objectif ou un manquement subjectif qui se serait imposé à toute personne raisonnable, mais qui, sans être acceptable, n’est pas particulièrement répréhensible.

Faute moyenne
La faute moyenne se définit de manière négative comme une faute qui n’est ni légère ni grave.

 

Le·la collaborateur·rice responsable d’un dommage doit verser à l’employeur des dommages-intérêts dont l’importance est déterminée selon les règles générales de la responsabilité civile (art. 99 al. 3 CO et 42 ss CO). En principe, le·la collaborateur·rice doit réparer intégralement le dommage causé, mais, en réalité, le montant des dommages-intérêts est très souvent réduit, parfois même fortement. L’étendue de la réparation se mesure:

  • selon les circonstances et la gravité de la faute du collaborateur (art. 43 al. 1 CO);
  • compte tenu d’une éventuelle faute concomitante de l’employeur (art. 44 al. 1 CO);
  • conformément aux mesures énumérées à l’art. 321e al. 2 CO (risque professionnel, instruction de l’employé·e, connaissances techniques nécessaires pour accomplir le travail, aptitudes et qualités du·de la collaborateur·rice que l’employeur connaissait ou aurait dû connaître).

En pratique, les critères principaux pour fixer importance de l’indemnité sont les suivants: le salaire, la gravité de la faute (art. 43 al. 1 CO) et le risque professionnel inhérent à l’activité (art. 321e al. 2 CO). Le juge peut toutefois tenir compte d’autres éléments comme:

  • l’existence d’une faute concomitante de l’employeur (art. 44 al. 1 CO);
  • la durée des rapports de travail;
  • le niveau hiérarchique du·de la collaborateur·rice;
  • la formation du·de la collaborateur·rice;
  • l’expérience professionnelle du·de la collaborateur·rice;
  • les éventuels antécédents du·de la collaborateur·rice en matière de responsabilité civile;
  • les instructions données au·à la collaborateur·rice;
  • le contrôle par l’employeur;
  • l’existence d’une faute concomitante d’un·e collègue;
  • l’existence d’une faute concomitante d’un tiers;
  • le montant du dommage;
  • la situation financière de l’employeur;
  • un éventuel état de détresse ou de nécessité du·de la collaborateur·rice;
  • le caractère prévisible ou extraordinaire de l’événement incriminé;
  • la possibilité par l’employeur de couvrir le risque par une assurance responsabilité civile.

 

Le montant du salaire est l’un des critères prépondérants pour déterminer l’importance de la réparation du dommage par le collaborateur ou la collaboratrice. Selon la jurisprudence, le montant de dommages-intérêts mis sa à charge doit être proportionné à sa rémunération, du moins lorsque sa faute n’est pas grave et que le dommage est particulièrement important. Dans les faits, le juge dispose donc d’un large pouvoir d’appréciation et il se prononce «en équité» (art. 4 CC – ATF 110 II 349, c. 6b).

 

La réparation d’un dommage causé par le·la collaborateur·rice dépend donc de nombreux facteurs et il convient d’examiner chaque cas pour lui-même. L’employeur prévoyant prendra plusieurs mesures parmi lesquelles on peut citer:

  • former ses collaborateur·rice·s;
  • instruire l’employé·e au regard de l’activité confiée;
  • contrôler le respect des instructions;
  • prévoir des règles dans le contrat de travail;
  • examiner la possibilité de couvrir le risque par une assurance responsabilité civile;
  • documenter les éventuels antécédents du·de la collaborateur·rice en matière de responsabilité civile.

Cet article a été rédigé par notre partenaire CJE, Avocats, Conseillers d’Entreprises

 

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